Ballonnements et ventre gonflé : sortir de la logique "pansement”
- Mélodie
- il y a 1 jour
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Ballonnements fréquents, ventre gonflé après les repas, sensation de lourdeur… Ces symptômes digestifs sont souvent attribués au stress ou à une mauvaise alimentation. Les solutions proposées habituellement : limiter certains aliments, prendre des plantes, tester les probiotiques. Pourtant, malgré ces ajustements, de nombreuses personnes continuent à souffrir.
Il existe une autre manière d’aborder ces troubles : en considérant les ballonnements non comme une fatalité, mais comme un indicateur précieux d’un déséquilibre plus profond sur lequel il est possible d’agir.
Ballonnements chroniques : pourquoi les approches classiques restent souvent inefficaces
Les ballonnements chroniques touchent une part importante de la population, majoritairement féminine. Leur fréquence les banalise, mais ils restent une source réelle d’inconfort physique et psychique : distension abdominale, douleurs, altération de l’image corporelle, fatigue postprandiale. Dans bien des cas, la gêne s’installe progressivement dans le quotidien : adaptation des tenues, évitement de certaines situations sociales, limitation de certains aliments.
La prise en charge médicale conventionnelle repose principalement sur l’exclusion de causes organiques graves. Lorsque les examens (échographie, analyses biologiques, coloscopie…) reviennent normaux, le symptôme est souvent rapporté à des facteurs non spécifiques : stress, alimentation déséquilibrée, cycle menstruel, trouble fonctionnel digestif.
Cette approche pose plusieurs limites :
Des causes peu actionnables : le stress est fréquemment cité sans lien clair avec les mécanismes digestifs concernés. Les intolérances sont évoquées sans protocole de vérification et sans accompagnement individualisé.
Des diagnostics flous : le syndrome de l’intestin irritable (SII), par exemple, regroupe des troubles très variés sans solution standardisée, ce qui peut générer confusion et résignation. Les patients repartent parfois avec un diagnostic et une feuille papier récapitulant les aliments à éviter (régime pauvre en FODMAP) sans réel suivi.
Une gestion symptomatique : recours aux antispasmodiques, aux infusions digestives, aux compléments alimentaires tels que le charbon actif, aux régimes d’exclusion ou aux probiotiques sans investigation préalable des déséquilibres digestifs sous-jacents ce qui peut parfois faire plus de mal que de bien.
En résumé, l’approche dominante tend à soulager rapidement le symptôme ou à lui attribuer une origine psychosomatique sans considérer les mécanismes physiologiques intermédiaires qui pourraient pourtant être évalués et modulés.
Ventre gonflé : comprendre les mécanismes de la fermentation digestive
Les ballonnements sont souvent décrits comme une « gêne digestive », sans plus de précisions. Pourtant, d’un point de vue physiologique, il s’agit avant tout d’un excès de gaz dans le tube digestif, résultant majoritairement d’un phénomène : la fermentation.
La fermentation est une fonction naturelle du microbiote intestinal. Elle se produit lorsque des résidus alimentaires non digérés (principalement des glucides ou fibres) atteignent le côlon où ils sont dégradés par les bactéries intestinales. Ce processus génère des gaz tels que l’hydrogène, le méthane ou le CO₂.
En quantité modérée, cette fermentation participe à la santé digestive. Mais lorsqu’elle devient excessive, mal localisée ou prolongée, elle entraîne une accumulation de gaz, une distension abdominale associés à une sensation de gonflement et/ou des douleurs abdominales.
Cette irritation répétée favorise chez certaines personnes une inflammation de bas grade, c’est-à-dire une activation légère mais persistante du système immunitaire intestinal. Ce type d’inflammation, discret sur le plan biologique, peut altérer la perméabilité de la barrière intestinale (hyperperméabilité intestinale), modifier la composition du microbiote, et entretenir des déséquilibres en cascade.
Pourquoi le ventre gonfle ? Hypochlorhydrie, SIBO, dysbiose et autres pistes digestives.
Plusieurs mécanismes peuvent favoriser une fermentation anormale dans le tube digestif.
Mise en garde : cet article a pour but de proposer une lecture éducative et fonctionnelle des troubles digestifs, en particulier des ballonnements. Il ne remplace en aucun cas un avis médical, un diagnostic ou un traitement. En cas de symptômes persistants ou d’aggravation, il est recommandé de consulter un professionnel de santé qualifié.
Digestion incomplète et impact sur l'équilibre intestinal
Lorsque certains aliments ne sont pas bien digérés dans l’estomac ou l’intestin grêle, ils arrivent jusqu’au côlon et sont fermentés par les bactéries intestinales. Cela peut être dû à :
une hypochlorhydrie (baisse d’acidité gastrique)
un déficit enzymatique (souvent augmenté avec l’âge)
une insuffisance biliaire ou pancréatique
Colonisation microbienne excessive de l’intestin grêle (SIBO)
Normalement, la fermentation se fait surtout dans le côlon. En cas de SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth), des bactéries prolifèrent dans l’intestin grêle, provoquant une fermentation précoce, dès les premières étapes de la digestion. Les personnes atteintes témoignent souvent de ballonnements qui surviennent dès les premières bouchées.
Ce déséquilibre est souvent associé à des carences et déficits nutritionnels inexpliqués (fer, vitamine B12…) malgré une alimentation diversifiée, notamment riche en fruits et légumes.
Il existe plusieurs types de SIBO, classés notamment selon le type de gaz produit en excès, chacun nécessitant une approche spécifique.
Dysbiose colique : un déséquilibre du microbiote à explorer
Même sans SIBO, un déséquilibre du microbiote au niveau du côlon (dysbiose intestinale) peut entraîner une production accrue de gaz, parfois inflammatoires, avec un effet mécanique et irritatif sur les parois intestinales.
Transit intestinal ralenti
Un ralentissement du transit augmente le temps de contact entre les substrats alimentaires et les bactéries, favorisant la fermentation. Ce ralentissement peut être lié à :
une hypothyroïdie (54% des personnes atteintes ont aussi un SIBO)
un manque d’activité physique
un déséquilibre du système nerveux entérique
Aérophagie et déglutition d’air
Chez certaines personnes, une partie des gaz provient aussi d’un excès d’air avalé (mastication rapide, stress, boissons gazeuses), qui s’accumule dans l’estomac et le côlon.
Identifier le type de ballonnements : une étape clé pour agir avec justesse
Les ballonnements sont souvent décrits de manière globale, alors qu’ils peuvent prendre des formes très différentes selon les personnes. En les observant de façon plus précise dans leur rythme, leur intensité, leur contexte d’apparition et même leurs odeurs il est possible de mieux cerner les mécanismes sous-jacents.
Quand surviennent les ballonnements ? Un indice essentiel
L’observation du moment où les ballonnements se manifestent donne des indices sur leur origine :
Le matin à jeun : évoque plutôt un déséquilibre global de l’intestin et du microbiote, une atteinte au niveau du côlon.
Immédiatement après les repas : peut faire penser à une mauvaise vidange gastrique, une hypochlorhydrie ou une fermentation haute (piste SIBO).
En fin de journée : suggère un effet cumulatif (stress, alimentation, sédentarité, exposition aux toxiques...).
De manière cyclique (notamment prémenstruelle) : possible implication hormonale.
Quelle forme prennent les ballonnements ? Localisation et ressenti
Le ressenti donne également des indications utiles :
Ventre dur, tendu, douloureux : distension importante, inflammation, hypersensibilité viscérale.
Ballonnement diffus sans douleur : souvent lié à des gaz en excès sans composante inflammatoire marquée.
Gonflement localisé : oriente parfois vers une région spécifique du tube digestif et un type de fermentation.
L’odeur : une odeur d’”oeuf pourri” indique plutôt une dysbiose de putréfaction alors que des gaz inodorants orientent vers une dysbiose de fermentation

Ballonnements et autres symptômes : les signaux à ne pas négliger
La présence d’autres troubles peut aider à affiner l’analyse :
Reflux, éructations, lenteur digestive, fatigue postprandiale : évoquent la sphère gastrique et l’intestin grêle.
Infections périphériques : cystite, vaginose, mycoses… évoquent une dysbiose importante bactérienne et/ou fongique.
Intolérances alimentaires généralisées, irruptions cutanées : évoquent une hyperperméabilité intestinale et une activation du système immunitaire inadaptée (intolérance à l'histamine)
Fluctuations de l’humeur, fatigue chronique : suggèrent un retentissement systémique, une inflammation de bas grade avec une altération de la production de neurotransmetteurs
Une autre approche : explorer plutôt que masquer
Agir efficacement sur les ballonnements chroniques nécessite de changer de regard : quitter la logique du soulagement et des remèdes immédiats pour entrer dans celle de l’enquête. Plutôt que d’essayer de “faire taire” le symptôme à tout prix, il s’agit d’en remonter le fil, en tenant compte du terrain, des antécédents, du rythme de vie et des réactions propres à chaque organisme.
Les symptômes digestifs sont rarement isolés. Ils s’inscrivent dans un fonctionnement plus large, souvent multifactoriel. Une approche individualisée permet d’établir des hypothèses, de tester des ajustements progressifs, d’identifier les déséquilibres dominants (fermentation haute, insuffisance enzymatique, ralentissement du transit, déséquilibre du microbiote…) et de construire des réponses ciblées.
Ce travail demande du temps, de la méthode, et souvent un regard extérieur. Il peut être précieux de se faire accompagner par un professionnel formé à la lecture fonctionnelle des troubles digestifs, capable d’apporter un cadre, de poser les bonnes questions et d’aider à affiner les pistes. L’objectif n’est pas d’additionner les solutions, mais de viser juste.
En s’orientant vers une compréhension fine du terrain digestif, on sort de la spirale des tentatives hasardeuses pour retrouver une cohérence d’ensemble. C’est souvent dans cette clarté que les améliorations naturelles et durables deviennent possibles.

Mélodie Tuquet
Naturopathe à Bordeaux et à distance
Trouver ensemble des solutions uniques, loin des clichés et proches de votre réalité.
Bibliographie
D’Oro, A., & D’Oro, A. (2018, 4 novembre). Le SIBO, quand vos problèmes de santé viennent de l’intestin grêle, Partie 1 : Comprendre et diagnostiquer. https://www.lanutrition-sante.ch/le-sibo-quand-vos-problemes-de-sante-viennent-de-lintestin-grele-partie-1-comprendre-et-diagnostiquer/
ANAQ, L'hypochloridrie trop souvent ignorée (https://anaq.ca/habitudes-de-vie/comprendre-lhypochlorhydrie/)
Vanlerberghe, J. (2023). Hyperballonné ? Toutes les clés pour en finir avec vos ballonnements grâce à la naturopathie ! Éditions Leduc.
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